Deux délibérations ont été inscrites à l’ordre du jour du conseil municipal du 30 janvier 2024 concernant la fermeture de l’école maternelle Saint-Saëns et de l’école primaire Leconte de Lisle. Ces délibérations ont donné lieu à un débat en présence de 70 personnes environ qui s’étaient mobilisées pour assister au conseil municipal en tant que public.
Au nom de la liste Louveciennes écologique, citoyenne et solidaire Pascal Leprêtre a effectué une intervention dont vous pouvez lire le texte ci-après et que vous pouvez également visualiser en cliquant ici.
La lecture de la délibération par Madame la maire est à voir en cliquant ici.
Les deux délibérations ont été votées à bulletin secret et adoptées par 22 voix (élus de la liste majoritaire) contre 7 voix (élus des listes d’opposition) :
ont voté contre la fermeture | ont voté pour la fermeture |
Pascal Leprêtre | Marie-Dominique Parisot |
Mehdi El Gargati | Stéphane Pihier |
Sanja Joliot | Florence Esnault |
Clara Le Louet | Christian Persiaux |
Benoît Nusbaumer | Murielle Charles-Beretti |
Boleslas Palewski | Marc Richard |
Lydérick Watine | Isabelle de Tonquédec |
Laurent Lesage | |
Dominique Demai | |
Jean-Dominique Masseron | |
Anne-Catherine Duveau | |
Daniel Godard | |
Armelle Vallot | |
Dylan Mekki | |
Christine Mercuri | |
Jean-Paul Jaouen | |
Marielle Garagnani | |
Laurent Griller | |
Françoise Delolme | |
Laurent Bezamat | |
Sylvie Fabre-Stefani | |
Isabelle Silve |
Intervention de Pascal Leprêtre
Jamais en près de 25 ans de mandat municipal, je n’ai été amené à prendre position sur un sujet aussi important que celui qui nous est soumis ce soir, la fermeture d’un groupe scolaire et ses conséquences, à savoir le redéploiement de certaines structures municipales ou associatives comme la Maison des enfants ou la MJC au sein des locaux des écoles ainsi libérées.
Madame la Maire, vous avez indiqué lors des discussions que nous avons eues en commission « comprendre que fermer cette école puisse susciter de l’émotion. »
Madame la Maire, ce projet ne suscite pas seulement de l’émotion, il suscite de la colère, et de l’incompréhension.
Ce projet suscite de la colère et de l’incompréhension car il est inacceptable tant sur la forme que sur le fond.
Sur la forme
Ce projet n’a pas été bien préparé et donne l’impression d’une grande improvisation. J’en ai, comme d’autres élus, été informé le 11 janvier 2024 soit 18 jours seulement avant ce conseil municipal.
Les enseignants et la communauté éducative en ont été informés fin décembre.
Il y a donc deux hypothèses :
– Soit ce projet a été préparé à la va-vite courant décembre dans un élan de panique pour tenter de trouver une solution rapide à vos difficultés financières. Cela expliquerait que nous en ayons été informés si tardivement.
C’est la 1ère hypothèse et elle est plutôt inquiétante car un dossier comme celui-ci ne se prépare pas en quelques semaines. Préparer un tel dossier en un si court délai relèverait du plus grand amateurisme.
– Soit ce projet a été préparé bien en amont, depuis des mois et donc dans la plus grande opacité et sans la moindre concertation ni avec les personnes concernées, ni avec l’ensemble des élus.
C’est la seconde hypothèse et elle n’est pas plus rassurante car le montage d’un dossier dans ces conditions relève de l’autocratie et non d’une démarche constructive, collaborative et transparente.
Bref, quelle que soit l’hypothèse, ce dossier du fait même de ses conditions d’élaboration est d’entrée de jeu discrédité. Il est dès lors inacceptable car il n’a pas été concerté.
Un tel projet, de par son ampleur, ses implications sur la population, sur l’urbanisme, sur les transports, sur l’environnement, sur les finances, doit faire l’objet d’un vaste débat et d’une large concertation avec tous les acteurs que ce soit la communauté éducative (enseignants, personnels des écoles, représentants de parents d’élèves…), les responsables associatifs, et bien entendu avec tous les élus. C’est le b-a ba.
Afin de mener un tel projet, on dresse dans un premier temps un bilan de la situation financière, on évoque les difficultés et les grands axes des réformes qui pourraient être engagées.
Puis sur la base de ce constat on engage des discussions afin d’opérer des choix politiques. Pour faire ces choix politiques, on ne travaille pas en secret, on travaille tous ensemble sur les différentes solutions qui s’offrent à nous. On met cartes sur table, on discute, on étudie les différents scénarii possibles. On engage une concertation avec les personnes concernées, on mûrit le projet qui semble le plus juste et le plus opportun, puis on envisage de le passer en conseil municipal.
Or dans le cas présent, nous sommes nous élus, mais aussi les Louveciennois, devant le fait accompli. Les informations sont distribuées au compte-goutte après que le projet ait été finalisé.
Ce projet souffre à l’évidence d’un déficit démocratique. Certes vous avez la majorité au conseil municipal mais je vous rappelle quand même que vous n’avez pas recueilli aux dernières élections la majorité absolue des suffrages. Vous avez été élue à la majorité relative.
Par ailleurs, comme vous le savez ce projet est rejeté par la population : plus de 1400 personnes ont signé la pétition lancée par les représentants de parents d’élèves.
Les conseils d’écoles ont d’ailleurs rejeté par leurs votes ce projet alors que vous écrivez le contraire dans le document soumis ce soir. Vous indiquez que les conseils d’école ne se sont pas opposé au projet de fermeture de l’école et à la nouvelle sectorisation. Ceci est faux.
Le conseil de l’école maternelle Doumer a voté contre la fermeture et contre la sectorisation à l’unanimité (hors les représentants de la mairie).
Le conseil de l’école élémentaire Doumer a voté contre la fermeture et contre la sectorisation à l’unanimité (hors les représentants de la mairie)
Le conseil de l’école élémentaire Leclerc a voté la sectorisation avec 9 abstentions et 3 votes favorables des représentants de la mairie.
Idem pour les conseils des écoles maternelle et élémentaire des Soudanes s’agissant de la sectorisation.
Tout ceci devrait vous inciter à la prudence et à la réflexion, d’autant plus que ce projet va totalement à l’encontre de vos promesses électorales. Vous m’expliquerez que le contexte a changé. Certes, mais raison de plus pour travailler ce projet avec tout le monde pour lui conférer une légitimité démocratique.
Lors de nos récents échanges vous avez éludé cette problématique en m’indiquant que ce projet n’avait pas à être discuté, qu’il s’imposait à nous du fait de la conjoncture économique et vous ne pouviez faire autrement.
Vos arguments ne sont pas recevables. Un maire fait de la politique et non de la simple gestion comptable. Et la politique c’est étymologiquement la gestion de la cité, et pour gérer la cité il faut opérer des choix politiques. Toute décision municipale correspond à un choix politique. Nous avons toujours le choix entre réaliser ou ne pas réaliser un projet, ou faire un autre projet à la place. Nous avons toujours le choix de voter une délibération ou non. C’est le rôle des élus que de devoir faire des choix politiques et de faire ces choix de façon éclairée dans l’intérêt général des habitants.
Le dossier présenté ne s’impose pas à nous, il relève d’un choix que vous avez décidé seule. Ce choix je le conteste sur le fond.
Sur le fond
Ce dossier met en exergue la vision à court terme de votre action, voire à très court terme. Vous êtes incapable d’un mois sur l’autre d’envisager ce que vous allez faire. Ce projet n’a jamais été évoqué comme une piste de réflexion, ni dans le DOB ni dans le budget. C’est inquiétant car cela veut dire qu’à chaque conseil municipal vous pouvez nous sortir du chapeau de nouveaux projets non identifiés.
On peut légitiment s’interroger sur ce que nous réservera l’année 2025 ? la fermeture de la médiathèque ? sa délocalisation ? la fermeture du musée du Domaine Royal de Marly ? la vente du parc du Barry, de la Maison de l’Étang ou du parc des 3 grilles ? Tout semble possible désormais tellement vous naviguez à vue et manquez d’anticipation dans la gestion communale.
Un maire se doit d’avoir une vision politique pour sa commune. Or ce projet ne s’inscrit dans aucune vision, il répond à une logique comptable à court terme.
Sur l’aspect financier, vous justifiez ce projet en nous expliquant qu’il y a un déficit qu’il convient de combler, dont le montant reste flou : de l’ordre de 800 000 € comme annoncé en commission des finances ou de 1 M€ comme indiqué à la presse.
La fermeture des deux écoles et le transfert en leur sein de structures comme la MJC, la Maison des enfants permettrait selon les chiffres que vous nous avez donnés il y a quelques jours une économie de 100 000 € à 120 000 €. Tout ça pour ça. À quoi correspondent 100 000 € à l’échelle de du budget communal ? 100 000 € c’est moins que le montant annuel des indemnités du maire et de ses adjoints. 100 000 € c’est le tiers de l’augmentation du marché de restauration scolaire dont vous avez récemment externalisé la gestion à un grand groupe de restauration collective…
Quant à la vente des locaux de la Maison des enfants et de la MJC est-ce véritablement une bonne opération que de l’envisager au regard des prix de l’immobilier actuels ? On peut sérieusement en douter.
Ceci démontre que d’autres choix sont possibles.
Au-delà de cet aspect budgétaire, ce projet compromet gravement l’avenir de notre commune.
Quels ont été jusqu’à aujourd’hui les atouts de notre commune qui ont séduit de jeunes couples ou des familles à venir s’y installer ?
– Les écoles : Louveciennes a la chance d’avoir trois groupes scolaires de dimension humaine qui permettent d’avoir des effectifs raisonnables ce qui est une bonne chose pour les enfants. Le territoire de Louveciennes est vaste et avoir 3 groupes scolaires n’est pas du luxe car cela permet de conserver une certaine proximité des élèves avec leur école, même si celle-ci est imparfaite. S’agissant du groupe scolaire Doumer, le plus remarquable sur le plan architectural, celui-ci a fait l’objet d’investissements importants ces dernières années (préau, stores…) et est parfaitement fonctionnel depuis sa construction soit depuis 92 ans.
– Louveciennes dispose d’équipements remarquables pour les enfants et les jeunes. La Maison des enfants est un équipement emblématique de Louveciennes. Cet équipement créé sous la mandature du maire de l’époque Jacques Tassin avait été imaginé collectivement avec mes prédécesseurs de l’opposition, qui avaient été entendus pour la création d’une structure d’avant-garde pour l’époque et qui demeure encore aujourd’hui une petite pépite municipale qui permet aux enfants d’aller y créer, imaginer et construire dans un lieu extrêmement agréable et particulièrement adapté, et qui permet aux enfants de se retrouver dans un cadre différent des salles de classe et du centre de loisirs situé dans un contexte scolaire. Ce qui fait le succès de la Maison des enfants depuis 40 ans ce sont d’abord les activités proposées et son personnel compétent, mais ce sont aussi ses locaux. Des locaux qui ont été rénovés ces dernières années ce qui a permis de renforcer l’attractivité de cette structure.
Avoir demain une Maison des enfants transférée dans des salles de classes d’un ancien groupe scolaire, regroupée avec la MJC et d’autres structures, sans espace vert, avec une cour d’école bitumée, ce n’est plus la même chose. Ce ne serait plus la même chose pour ses personnels, ce ne serait plus la même chose pour les enfants qui auront l’impression d’être encore dans un cadre scolaire ou dans un centre de loisirs. Délocaliser cet équipement est une aberration.
– La MJC est aussi un équipement tout à fait majeur pour notre ville. C’est le principal équipement culturel pour les adolescents et jeunes adultes dans notre commune, et là aussi son cadre fait son succès. Quoi de plus agréable que de pouvoir faire des activités dans cette ancienne propriété de Julien Cain disposant d’un agréable parc qui a accueilli tant de fêtes de la musique et de concerts ? Comment peut-on sérieusement imaginer que les activités de la MJC se fassent demain dans des salles de classes ? Quid par exemple des ateliers de répétition ? Comment allez-vous gérer l’insonorisation ? Je rappelle que des logements existent dans le groupe scolaire Doumer. Un tel transfert plomberait à coup sûr l’activité de la MJC. Comme pour la Maison des enfants, une partie du succès de la MJC est dû à son environnement.
Fermer le groupe scolaire constituerait la première étape d’un démantèlement de tout ce qui fait la richesse de notre commune. Ceci viendrait s’ajouter à la disparition d’autres équipements ou services publics : la cuisine centrale qui permettait jusqu’à ce que vous arriviez à la tête de la mairie une restauration collective de proximité et qualitative, la poste fermée l’été dernier sans la moindre résistance de votre part, le guichet SNCF…
S’agissant de l’école : les conséquences sont graves malgré ce que vous nous présentez.
Quoi que vous affirmiez, ce regroupement va renforcer l’éloignement des élèves de leurs écoles. Davantage d’élèves devront être accompagnés en voiture ou prendre un bus pour rejoindre leur école. Les familles qui habitent aujourd’hui à proximité du groupe scolaire Doumer vont être impactées : leurs enfants peuvent aujourd’hui se rendre à pied à l’école mais à l’avenir les parents devront prévoir du temps supplémentaire le matin et le soir pour accompagner leur enfant au groupe scolaire des Soudanes en voiture, ce qui entraînera des contraintes horaires supplémentaires à ces parents, qui sont souvent des actifs et doivent se rendre à Paris ou à la Défense par les transports en commun. De même, les enfants du groupe scolaire Doumer qui aujourd’hui fréquentent la Maison des enfants le soir peuvent s’y rendre aisément à pied mais ils devront demain être accompagnés en voiture pour faire le trajet Soudanes vers la Maison des enfants délocalisée dans l’école Doumer. Il est certain que nombre d’entre eux abandonneront leurs activités à la Maison des enfants. Vous nous dites que vous allez mettre en place une desserte par bus. Devoir se rendre en bus dans son école alors qu’on devrait pouvoir s’y rendre à pied c’est bien dommage. La solution du bus ne concernera de toute façon pas les élèves de maternelle qui ont besoin d’être accompagnés. « L’école est la mère des batailles » a déclaré ce jour le Premier ministre, mais visiblement ce n’est pas le cas à Louveciennes.
Je ne parle même pas de la circulation accrue que ce changement va nécessairement induire dans notre ville. 170 enfants en plus seront accompagnés le matin à l’école des Soudanes au travers du quartier des Clos. Où vont-ils stationner ? À notre connaissance aucune étude sérieuse de circulation n’a été faite. Nous sommes loin de l’idée de ville « courtes distances » prônée dans notre plan local d’urbanisme.
Sur les effectifs scolaires, vous nous dites que ceux-ci sont en diminution, or nous ne disposons d’aucune information tendant à démontrer une baisse significative des effectifs scolaires. Ceci parait d’autant plus surprenant que la population de Louveciennes est en augmentation ces dernières années (7270 en 2009 à 7563 en 2021) et que vous avez l’obligation d’atteindre 25% de logement social dans les prochaines années et par conséquent de construire davantage.
Ce projet va augmenter les effectifs des groupes scolaires Leclerc (+30) et Soudanes (+170). Pour un élève, être scolarisé dans une école de 150 élèves ou de 300 élèves ce n’est pas la même chose : cela veut dire moins de salles disponibles pour des activités, cela veut dire une cour à partager devant être davantage surveillée, cela veut dire plus de services de cantine ou plus d’enfants à la cantine avec plus de bruit… Les inconvénients sont nombreux. Il faudra également repenser la sécurité des écoles qui vraisemblablement devront changer de catégorie d’établissement recevant du public.
Les conditions de scolarité des enfants louveciennois seront donc nécessairement dégradées.
Votre projet est désastreux pour la commune, il marquera à jamais l’avenir de Louveciennes. Il est peu économe car l’économie modeste espérée n’est même pas certaine du fait du coût des aménagements induits.
Déconstruire est facile. Reconstruire est compliqué. Ce que vous pourriez décider ce soir pourrait marquer Louveciennes pour des décennies. L’attractivité de notre ville en souffrirait durablement. Au regard de l’importance du dossier, les huit élus de l’opposition ont décidé d’agir ensemble pour défendre l’intérêt général et ont officiellement saisi de ce dossier les autorités concernées, à savoir la Ministre de l’éducation nationale, le préfet des Yvelines et le recteur de l’académie de Versailles.
Ce soir, il y a deux moyens de sortir par le haut de cette situation :
– Soit vous acceptez ce soir de retirer ce projet de l’ordre du jour afin que nous puissions l’étudier au cours de 2024
– Soit vous organisez un référendum local sur ce projet comme la loi vous le permet, ce qui permettra à chaque Louveciennois de s’exprimer et de valider ou non celui-ci. Je vous propose pour cela, conformément à l’article 22 du règlement intérieur du conseil municipal, d’amender l’article 1 des deux délibérations proposées comme suit : « Décide de fermer définitivement l’école maternelle Camille Saint Saëns et l’école élémentaire Leconte de Lisle, à compter de la rentrée scolaire de septembre 2024, sous réserve d’une approbation par référendum local organisé conformément aux dispositions des articles LO1112-1 et suivants du CGCT. »